"Va voir si leurs mers sont liquides"

Publié le par L'Oeil regardait cahin-caha


Elle m'avait semblé inaccessible et si pleine de mystères. De ces personnalités fantasmatiques qui font que l'on peut tout lâcher pour elles: les amarres, les amours, peut-être bien la vie même. Pour la rejoindre, j'aurais décroché la lune. Cela aurait tout gâché. Le charme se serait noyé doucement, sans geste brusque dans une mer tranquille ou aurait disparu dans le fracas de l'océan des tempêtes. Le sentait-elle que j'allais vers elle? Etais-je le premier? Cela avait-il un sens alors qu'elle ne m'attendait pas?

Elle fut en effet fort surprise de me voir approcher. D'autant plus que je ne ressemblais à rien de ce qu'elle avait connu. Je ne ressemblais à rien, tout court. Elle se tourna vers moi d'un mouvement imperceptible pour l'œil humain, révélant un visage doux mais tourmenté. Elle n'en fut pas moins hospitalière et me laissa m'installer chez elle. J'étais bien là. Léger, serein. J'en oubliais tout ce que j'avais laissé derrière. Je crois que j'aurais pu passer ma vie entière dans ce tête-à-tête, cet entre-parenthèses de nos deux êtres.

Silencieuse, alors que je l'explorai, elle esquissa un mouvement offrant soudain à ma vue un spectacle incroyable et silencieux. Une planète entrelacée de blanc et de bleu s'élevait peu à peu dans le noir du ciel et j'assistai béat et troublé à mon premier lever de Terre. C'est-ce moment qu'elle choisit pour me révéler au passage que je n'étais pas le premier. Que les Terriens s'avéraient des personnages très curieux, qu'ils étaient déjà venus sur sa peau gris pale... Et qu'avant déjà, elle ne se lassait pas de contempler leur planète en lui tournant autour.


« Va les voir de plus près pour moi » poursuivit-elle.
Déchiré comme une lettre de rupture, j'hésitais entre la curiosité qu'elle encourageait et mon envie de rester sur elle. J'avais déjà tellement voyagé et fatigué mes énergies...
« Va les voir de plus près, reprit-elle. Dis-moi s'ils méritent que je leur fasse face. Si leurs mers sont liquides, s'ils portent tous ces drôles de combinaisons, et pourquoi tant d'entre eux me chantent. »
Les yeux gorgés de vapeurs de larmes, c'est ainsi je mis cap sur la Terre. Pour voir les Terriens de près. Et me faire éblouir par l'éclat lointain de la Lune.

  

         

  

 

Publié dans D'ailleurs...

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A
<br /> beau texte  et bel hommage en effet  à l'astre de nos nuits<br /> <br /> <br />
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L
<br /> C'est en tout cas ce que m'a inspiré mon escale...<br /> <br /> <br />
C
Et oui ! Quelle aventure cet objectif lune sans Tintin ni Verne. Nous en rêvons encore jusqu'à la prochaine étape : Mars. Comme ce texte est joli et tendre. Merci à toi.  
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L
<br /> De rien, je lui devais bien ça, à la Lune...<br /> <br /> <br />