La clé bleue est derrière le rideau rouge

Publié le par L'Oeil regardait cahin-caha

 

Un son enveloppant comme je les affectionne  depuis tout petit m’immergea dans l’atmosphère de ce grand. J’avais quelques clés de chez David mais pas toutes. Tant mieux finalement. Bob me happa dès l’entrée, alors qu’il promenait son chien. Ce bon vieux Bob... Voulais-je savoir ce qu’il pensait vraiment? "Do you want to know what I really think?" Je ne suis pas si sûr. Mystère... "The air is on fire", avait écrit David. Or, le "connaissant" depuis un moment, je savais déjà que... "FIRE walk with me".

Je poussai le rideau et me heurtai à couleurs et matières. Des matières saillantes, mystérieuses, pâteuses, brillantes parfois. « Ce que l’œil voit, ce que l’oreille entend ». L’un des deux masques visages qui me faisaient face, celui au léger sourire, à la bouille ronde et aux grands yeux noirs, m’attira. Comme dans des plans de cinéma, je me reconstituai un lent travelling vers ce monde, vers chacun de ses représentants. Et celui-ci devait le noir de ses yeux à des mouches.

D’autres terreurs ou craintes oniriques, remontant à bien loin sans doute, s’étaient rappelées avec évidence, brutalité peut-être, à David. La mort, une maison qui brûle, la violence, la perte. Et ce roc-ci, avec ses sept yeux, se jouait-il de moi lui aussi? Les dés jetés, je continuai mon exploration. David n’était pas là. Sa présence, si.

  

Dans la pièce voisine et à l’étage, il m’avait laissé une foule d’indices: des post-it griffonnés, des traits incertains et d’autres tellement plus minutieux. Etait-ce lui ou les pattes des mouche? Ce dédale de 500 croquis sans dates ni précisions m’entrouvrit un autre pan du rideau. Je l’imaginai dessinant sur les serviettes en papier d’hôtels, les sacs à mal-de-l'air d'avions, ou penché sur ses boîtes d’allumettes. Ces minuscules du quotidien mutés en diptyques par la magie de dessins spontanés. L’imagination enflammée, embrasée par l’instant.

Je pénétrai dans une pièce aux allures de petit théâtre., où  David m’avait préparé une projection de son cru. L’une me déconcerta par son côté expérimental. D’autres m’amusèrent. Son court-métrage sur l’enfant et la grand-mère me plongea dans une nostalgie que n’effacèrent pas ses photos de bonhommes de neige, ni « ses » femmes. Gros, très gros plans d’héroïnes comme lui seul sait mettre au jour à force de leur faire tutoyer les ténèbres. Ces femmes vénéneuses et tristes. Presque aussi surréalistes que ses « Distorded nudes » aux corps retravaillés, et aux excroissances daliennes.

 

 

David? Ne me laissez pas tout seul avec ce satané Bob... Surtout si c’est celui de Laura Palmer. J’aimerais vous voir face à ces femmes, vous voir les regarder. Savoir pourquoi vous n’avez pas prêté l’oreille (celle de « Blue Velvet ») sur le tableau aux deux visages. Vous entendre me raconter le chien, le feu, les rideaux, la forêt, les angoisses enfantines, la pénombre, ce que c’est que de faire de sa vie un art. Nous serions assis là, dans le canapé que vous avez peint. Dans ce décor reconstitué à partir de l’un de vos petits (par la taille) dessins. Mister Lynch, il y aurait sûrement en et avec nous la voix de Julee Cruise, une odeur de café, une musique de Badalamenti, un nain, peut-être même un cow-boy, une mulkey... clé bleue dans ma main d'extra-terrestre. Nous repartirions de la fondation Cartier (où vous exposez actuellement), roulant sans fin vers Mulholland drive, votre autre antre. Rideau. Silencio.

 

 

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L
Effectivement, je me suis laissé emporter par les couleurs...
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L
Se laisser emporter, dans le monde de Lynch, enfin quelque chose de logique...
C
J'entends encore la voix de Naomi Watts...
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L
Moi aussi, et celle de Twin Peaks, Lost Highway, and so on...
N
pour des musiques différentes : http://lechantdugriot.under-globe.net/index.php/
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L
Ah oui, lui je connaissais. Dépaysant...
N
moins médiatique : http://jeanlucparant.free.fr/chateau-livre/index.htm
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L
Il a l'air fondu d'yeux lui, si j'ai bien suivi :-)
A
bon, il ne me reste plus qu'à y aller... Pour Mulholland drive Connelly me suffira...<br /> Un texte comme je les aime
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L
Des images et une musique comme je les aime ;-)