Opération coup de balai (à coeur ouvert)

Publié le par L'Oeil regardait cahin-caha

 

 

Opération coup de balai. Il était temps. On n’était pas au printemps pourtant, mais c’était devenu dur de vivre cet été puis cet automne dans un environnement poussiéreux. Beaucoup trop dur. Tellement que ça n’était plus une vie; que ça la paralysait. Elle ne savait plus par où commencer.

 

Elle balaya du regard son environnement immédiat. Le canapé duquel elle avait cru ne jamais se relever. La fenêtre sale un peu opaque par laquelle voletaient des feuilles rougies. La petite araignée dans le recoin alors qu’elle se l’imaginait au plafond. Le chantier qu’il lui fallait entreprendre. L’énergie à déployer alors que le ménage n’a pas grand-chose de constructif ou d’enrichissant. Un chantier qui ne crée pas; qui n’élève rien; qui ne fait qu‘enlever, à quoi bon… "Et pourquoi je n’appellerais pas quelqu'un d’autre pour le faire?" pensa-t-elle.

  

Elle mit une tenue ample, pour ne presque pas sentir son corps; rangea le « Cœur régulier » d’Olivier Adam qui lui n’avait pas pris la poussière mais faisait bon ménage avec son état d’esprit actuel; posa un CD de Get well soon où il était parfois question de fantômes, de silences, d‘espoir en berne, de funérailles en mer, de liberté.

  

"Je n’y arriverai pas" souffla-t-elle. Une petite poussière justement, vint alors jouer au grain de sable dans son intérieur dévasté.

"Mais qu’est-ce que nous sommes parfois au fond? lui soupira la poussière à l’oreille, en aspirant ses mots. Nous pouvons être le dépôt du temps sur les choses. Un voile apaisant sur une photo du passé qu‘on n‘ose plus toucher pour y laisser une empreinte. Un spectacle de voltige en suspension quand un rayon de soleil consent à venir jouer avec nous."

"Certaines d’entre nous étaient des âmes, jadis, et veillent silencieuses sur les survivants dans des urnes. D’autres sont juste là, comme un couvercle: il suffit de souffler sur elles pour ré-atteindre le passé et le voir avec de nouveaux yeux; le dépoussiérer de culpabilités qui n’ont pas lieu d’être; l’alléger; s’imaginer enfin plus propre."

  

Elle se demanda pourquoi elle n’avait pas réalisé tout ceci auparavant. Pourquoi il avait fallu qu’une poussière vienne lui parler (sans… parler du comment c’était possible…) "Tu sais pourquoi, enchaîna la poussière qui apparemment lisait dans les pensées. Pour te dire par exemple que non, tu n’es pas responsable de la mort de ta mère ni de ses dernières souffrances. Qu’elle est partie, après ces mois à l'hôpital, quand vous étiez prêtes; pas avant. Jusqu’ici, tu as eu de la poussière plein les yeux à ce sujet. Beaucoup de poussières…" Il fallait maintenant les laisser partir; laisser la place à celle, toute seule, qui avait parlé, laisser aller… laisser la poussière de rien du tout dans l’œil faire enfin naître une larme.

 

 

                                                                                                                                                                                 ..... Et des poussières...

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R
<br /> <br /> Je remonte le temps. Beaucoup de poussière dans les yeux. De trop.  <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Il faut faire bon ménage...<br /> <br /> <br /> <br />