"Le numérique ou l'oeil?", théorie des improbabilités possibles
Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en la nature humaine, c’est que j’ai trop vu, déjà, de ces terriens Ulyssiens qui ne résistent pas aux sirènes. Qu’elles chantent l’argent, le succès ou le 13h de TF1 (phrase se terminant en queue de poisson).
C’est pourquoi, vous ne savez et ne saurez pas sous quelle couverture je passe incognito parmi vous depuis mon atterrissage. C’est mieux ainsi. Je suis "l’œil regardait cahin-caha". Les plus familiers me surnomment "l’œil", peu habitués à ce qu’un prénom ait un verbe.
Pourtant, récemment, j’aurais dû tressaillir, glisser un rien dissuasif « la Nasa ne vous croira jamais !!!! » ou « J‘ai l‘immunité diplomatique d‘un autre système solaire! »
C’était un de ces jours où, caressé par une légère brise, j’avais officiellement une bonne raison de tout visualiser en terme de cadrage: un appareil photo me tenait par l’épaule. Une de ces choses numériques dont vos civilisations se glorifient et qui me sont bien chères ici pour collectionner la vue de tant d‘étrangetés.
Pacifique je mitraillais une tombe historique qui rendait certains amateurs de mythes hystériques. Une terrienne que, par un heureux hasard je connais (ET QUI SAIT...), photographiait elle aussi ce sujet de pierre qui ne nous laissait pas de marbre.
Un inconnu -terrien- d’un âge avancé s’avança. Il regarda: la fille qui zoomait; moi qui décadrais, en décalé chronique que je suis; nos deux appareils d’immortalisation. Il prononça cette phrase hautement improbable : « Alors, qui des deux va faire la plus belle photo ? Le numérique, ajouta-t-il (en zieutant la terrienne), ou l’œil ? »
En moins de temps qu’il n’en faut à une météorite pour pénétrer la stratosphère, je fus glacé, parcouru de sueurs froides. Mon regard croisa celui de la Terrienne qui réalisa la bizarrerie qui venait d'être prononcée. « Ce monsieur ne peut pas savoir, mais enfin quelle tournure étrange » pensa-t-on sans rien dire. « Non, il ne savait pas ». Mes yeux puis sa bouche se mirent à rire. Et encore parfois…